Un nouveau cadre juridique favorisant le télétravail
6 octobre 2017
Parmi les ordonnances dites « Macron » du 22 septembre 2017, l’ordonnance n°2017-1387 relative à « la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail » apporte d’importants changements au régime juridique du télétravail. Plusieurs de ces modifications s’inspirent des pistes proposées par un rapport conjoint remis aux pouvoirs publics fin mai 2017 par les partenaires sociaux relatif au « développement du télétravail et du travail à distance ».
Cette réforme a pour objectif de faciliter le recours au télétravail tout en adaptant les dispositions actuelles à l’évolution de cette forme particulière de travail. Selon le dossier de presse du Gouvernement, l’article 21 de l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail vise ainsi à mettre en place « Un droit au télétravail sécurisé, souple, permettant une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle ». Le contenu de l’ordonnance soulève néanmoins de nombreuses interrogations.
Définition du télétravail
Selon le texte, le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
Ainsi, afin de prendre en compte la réalité du recours fréquent au télétravail occasionnel, la définition du télétravail n’inclut plus la notion de régularité.
Mise en place par accord collectif ou par charte élaborée par l’employeur
Le télétravail est désormais « mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social économique, s’il existe » (Article 21 de l’ordonnance et C. trav. art. L. 1222-9 modifié).
Le texte supprime ainsi l’exigence d’un contrat de travail ou d’un avenant pour recourir au télétravail, même si la signature d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci reste fortement recommandée, puisqu’en tout état de cause, les entreprises entrant dans le champ de l’Accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail doivent, aux termes de l’article 2 dudit accord, conclure un avenant au contrat de travail et qu’au surplus, il faudra être en mesure d’établir la preuve de l’accord du salarié.
En l’absence d’accord collectif ou de charte élaborée par l’employeur, reste-t-il pour autant possible de pratiquer le télétravail de manière permanente avec un salarié, au moyen de la conclusion d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci ? C’est à notre sens peu probable, même si ce point devra être confirmé. En effet, il semble résulter de l’ordonnance qu’en l’absence d’une charte ou d’un accord collectif, seul le recours occasionnel au télétravail est désormais possible.
De plus, découle-t-il de la formule « dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte (…) « , que l’employeur devra au préalable engager une négociation en vue de la conclusion d’un accord collectif ? Ne pourra-t-il décider d’élaborer unilatéralement une charte qu’en cas d’échec des négociations ? Ou sera-t-il libre de choisir indifféremment l’un de ces deux supports pour encadrer le télétravail dans l’entreprise ? Cette question devra être clarifiée.
Le texte prévoit que l’accord collectif ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur, devra a minima préciser :
- les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
- les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
- les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
- la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail.
Un cadre juridique pour le télétravail occasionnel
L’ordonnance prévoit qu’en l’absence de charte ou d’accord collectif, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir de manière occasionnelle au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen. Un échange de courriels devrait ainsi suffire.
L’ordonnance n’exige pas expressément, à la différence du projet initial, que cet accord soit recueilli à chaque fois que le télétravail occasionnel est mis en œuvre. Il semble donc possible de prévoir la possibilité de recourir occasionnellement au télétravail dans le contrat de travail ou par voie d’avenant.
La motivation du refus de l’employeur
Le texte ne crée pas de droit au télétravail. Il oblige cependant l’employeur à motiver sa réponse lorsqu’il refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui en fait la demande et qui occupe un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail « dans les conditions prévues par » l’accord collectif ou la charte sur le télétravail.
La motivation invoquée devra vraisemblablement s’appuyer sur des causes objectives tenant au fonctionnement de l’entreprise.
Une attention particulière devra donc être portée, lors de la rédaction de l’accord collectif ou de la charte, à la définition des postes de l’entreprise éligibles au télétravail dans le cadre de l’article L.1222-9 du Code du travail. De même, l’accord ou la charte pourra utilement prévoir les formes et délais de la demande formulée par le salarié et de la réponse adressée par l’employeur.
Statut du télétravailleur
Il est désormais clairement indiqué dans le Code du travail que le télétravailleur « a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ». Tel est notamment le cas « en ce qui concerne l’accès aux informations syndicales, la participation aux élections professionnelles et l’accès à la formation ».
Coûts du télétravail
Les anciennes dispositions prévoyaient que l’employeur était notamment tenu, à l’égard du salarié en télétravail, de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci.
Cette obligation ne figure plus dans les dispositions du Code du travail issues de l’ordonnance. Cela signifie-t-il que la prise en charge des coûts découlant du télétravail n’incombera plus nécessairement à l’employeur ? Cela semble peu probable : les entreprises relevant de l’Accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail doivent continuer à prendre en charge ces coûts directs en application de l’article 7 de cet accord.
En tout état de cause, il est fortement recommandé d’aborder, dans l’accord collectif ou la charte élaborée par l’employeur, les modalités de la prise en charge des coûts découlant directement ou indirectement du télétravail.
Présomption d’accident du travail
Le texte prévoit désormais clairement qu’un accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail. Le salarié concerné sera donc pris en charge dans les mêmes conditions que s’il avait été victime de l’accident dans les locaux de l’employeur, à charge pour l’employeur, le cas échéant, de renverser la présomption s’il estime que l’accident a été occasionné par une cause étrangère au travail.
Entrée en vigueur
Ces nouvelles dispositions, entrées en vigueur le lendemain de la publication de l’ordonnance, sont d’ores et déjà applicables.
Il est à ce titre précisé que les stipulations et dispositions de l’accord collectif conclu ou de la charte établie au sein de l’entreprise, se substituent, s’il y a lieu, aux clauses des contrats de travail contraires ou incompatibles conclues antérieurement au 23 septembre 2017 et contenant des stipulations relatives au télétravail. Le salarié peut néanmoins refuser une telle substitution et doit dans ce cas faire connaître son refus à l’employeur dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’accord ou la charte a été communiqué dans l’entreprise. Le texte ne précise rien en revanche sur les conséquences d’un tel refus.
Cette règle de substitution pourra être rappelée dans l’accord collectif ou dans la charte.
Un rôle central est confié à l’accord collectif ou à la charte élaborée par l’employeur dans la mise en place et l’exercice du télétravail, laissant ainsi au niveau de l’entreprise la possibilité de définir un cadre juridique adapté à sa propre réalité. Les employeurs recourant au télétravail ou souhaitant recourir au télétravail de façon régulière doivent à notre sens impérativement négocier ou élaborer dès que possible un tel instrument.
Auteurs
Françoise Albrieux-Vuarchex, avocat associé, droit social, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon
Anaïs Olivier, avocat, droit social, CMS Bureau Lefebvre Lyon
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