Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
4 novembre 2024
Dans une décision du 19 avril 2024 (1), la cour d’Appel d’Aix en Provence, répond au salarié licencié pour harcèlement sexuel, que ce dernier ne peut valablement prétendre être victime de la libération de la parole des femmes au travers du phénomène « #Metoo ».
Les faits de l’espèce
Un salarié est licencié pour faute grave, en raison de faits de harcèlement sexuel révélés à la suite d’alertes, et à l’issue d’une enquête interne diligentée par l’employeur. L’enquête avait révélé des agissements, des comportements et des propos inappropriés à l’égard de plusieurs collaboratrices.
Ces agissements intervenus durant plusieurs mois avaient provoqué la gêne et le malaise des salariées concernées. Les collaboratrices avaient dénoncé des contacts physiques non désirés, tels que des tentatives de baisers forcés, des remarques sur leur physique, des propositions indécentes et des remarques à connotation sexuelle.
En synthèse, il était ressorti de l’enquête interne que le salarié avait adopté un comportement inapproprié vis-à-vis du personnel féminin, d’un niveau hiérarchique ou de classification inférieur au sien, et ce, de manière récurrente.
Rappel des obligations de l’employeur en matière de harcèlement sexuel
Le harcèlement sexuel fait l’objet d’une double appréhension, en droit du travail et en droit pénal.
En droit du travail, un harcèlement sexuel est constitué à l’égard de la victime par « des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. » (C. trav. art. L.1153-1).
L’employeur a une obligation de prévention en la matière, qui découle de son obligation relative à la préservation de la santé et de la sécurité des salariés.
En amont, l’employeur a donc l’obligation de prévenir l’apparition de situations de harcèlement sexuel. Cette obligation est complétée, en aval, par une obligation de faire cesser les agissements de harcèlement sexuel lorsqu’une telle situation est révélée en dépit des actions de prévention mises en œuvre.
Ainsi, lorsque des faits sont portés à la connaissance de l’employeur, celui-ci doit alors chercher à déterminer la réalité des faits dénoncés, ce qui constitue souvent une tâche difficile.
A cet égard, il est fortement recommandé à l’employeur, de diligenter une enquête interne afin de documenter et prouver le motif du licenciement ainsi que de remplir ses obligations en matière de santé et de sécurité.
Enfin, lorsque les faits sont établis, il appartient à l’employeur de prendre les mesures requises pour faire cesser la situation de harcèlement.
La décision
Au cas particulier, le conseil de prud’hommes de Marseille, a jugé le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et proportionné à la gravité des faits reprochés.
Le salarié interjette appel de cette décision, son licenciement étant selon lui abusif. Au soutien de cette allégation, le salarié invoque un complot de l’employeur, son licenciement reposant sur une cause économique déguisée s’inscrivant dans une politique de réduction de la masse salariale intervenant dans une période difficile du fait d’une diminution des financements ayant conduit à la disparition de la totalité des structures similaires à celle de l’entreprise.
Le complot aurait consisté à exercer des pressions sur les collaborateurs interrogés (au nombre de 11) au cours de l’enquête qui aurait été menée dans des conditions dénuées de sérieux. Ainsi, selon le salarié, il aurait fait l’objet d’une propagande calomnieuse s’inscrivant dans la mouvance « #Metoo ».
Sans laisser aucun argument sans réponse, la cour d’appel d’Aix rejette l’ensemble des arguments. Elle considère que le harcèlement sexuel était matérialisé et que les témoignages recueillis lors de l’enquête interne étaient selon la Cour, nombreux, précis, circonstanciés et concordants.
Enfin, la Cour d’appel énonce que : « Monsieur [E] ne peut valablement alléguer se trouver victime du contexte de libération de la parole résultant du mouvement « Metoo ».
Au-delà de la portée éducative de la décision de la Cour d’appel, les juges ont manifestement voulu s’en tenir à la lettre des textes et caractériser l’existence d’une situation de harcèlement sexuel par l’analyse précise des faits sans que puisse être retenu l’argument de défense du salarié qui s’estimait victime d’un phénomène de libération de la parole en lien avec le mouvement « Me too ».
(1) CA Aix-en-Provence, 19 avril 2024, n°21/02932
AUTEURS
Caroline FROGER-MICHON, Avocate associée, CMS Francis Lefebvre Avocats
Jehane AZZOUZI-CLAUSEL, Juriste, CMS Francis Lefebvre Avocats
A LIRE EGALEMENT
Guide CMS sur le harcèlement sexuel : https://cms.law/en/int/expert-guides/cms-expert-guide-on-sexual-harassment-in-the-workplace
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