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Valeurs mobilières composées : quelques idées simples pour comprendre une réforme complexe

Valeurs mobilières composées : quelques idées simples pour comprendre une réforme complexe

Dans la continuité des travaux de place réalisés par le groupe de travail «Titres financiers», créé à l’initiative du Comité de droit financier de Paris EUROPLACE, le Gouvernement avait reçu une habilitation législative pour simplifier et clarifier, par voie d’ordonnance, la législation applicable aux valeurs mobilières dites composées ou complexes, à savoir les valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance. Une ordonnance du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés est donc venue parachever la réforme des valeurs mobilières composées initiée dix ans auparavant par l’ordonnance du 24 juin 2004.

Les principales évolutions apportées par l’ordonnance au droit des valeurs mobilières composées peuvent être synthétisées autour de quatre idées :

La consécration légale des valeurs mobilières représentatives d’un droit de créance :

De nombreuses valeurs mobilières représentatives d’un droit de créance sont de pures créations de la pratique boursière (warrants financiers, certificats de valeur garantie, etc.). Des doutes existaient donc quant à la validité de l’émission et à l’identification du régime juridique applicable à de tels titres de créance innomés. En effet, jusqu’à présent, le Code de commerce ne connaissait que les titres participatifs.

L’ordonnance du 31 juillet 2014 consacre ainsi un principe général de libre émission de ces valeurs mobilières représentatives d’un droit de créance dont le régime juridique est à définir clans les statuts de la société émettrice ou, le cas échéant, dans le contrat d’émission.

L’allégement du régime juridique applicable aux valeurs mobilières complexes :

L’ordonnance du 31 juillet 2014 allège le régime juridique applicable aux valeurs mobilières complexes. Plus précisément, une distinction doit désormais clairement être établie selon que les valeurs mobilières émises donnent accès à des titres de capital ou donnent droit à l’attribution de titres de créance (i) de la société émettrice, (ii) d’une société du groupe ou (iii) d’une société tierce.

L’émission de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance de la société émettrice :

Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 31 juillet 2014, toutes les émissions de valeurs mobilières complexes relevaient nécessairement de la compétence de rassemblée générale extraordinaire de la société émettrice. Cette règle était toutefois très contestée par une doctrine assez unanime dans la mesure où rémission de certaines valeurs mobilières n’a pas d’effet dilutif pour ladite société et n’implique donc pas de modification statutaire. Dès lors, la compétence de l’assemblée générale extraordinaire ne se justifiait pas, elle est abandonnée.

Dorénavant, la compétence de l’assemblée générale extraordinaire est réservée aux seules émissions de valeurs mobilières composées ayant un effet dilutif, à savoir les émissions de valeurs mobilières se traduisant, immédiatement ou à terme, par une augmentation de capital. Par conséquent, l’autorisation de l’assemblée générale extraordinaire est aujourd’hui limitée aux émissions de titres de capital donnant accès à d’autres titres de capital (ex : actions à bon de souscription d’actions – ABSA) ou donnant droit à l’attribution de titres de créance (ex : actions à bon de souscription d’obligations – ABSO) et aux émissions de titres donnant accès à des titres de capital à émettre (ex : obligations convertibles en actions nouvelles – OCA).

Quant aux émissions de valeurs mobilières composées dénuées d’effet dilutif, c’est-à-dire les titres de créance donnant accès à des titres de capital existants (ex : obligations échangeables en actions existantes – OEA) ou donnant droit à l’attribution d’autres titres de créance (ex : obligations à bon de souscription d’obligations – OBSO), leur émission relève désormais en principe de la compétence des organes de direction (conseil d’administration, directoire ou gérants), s’il s’agit de titres participatifs ou d’obligations, ou de l’organe déterminé par les statuts voire par le contrat d’émission, s’il s’agit d’autres valeurs mobilières représentatives d’un droit de créance.

L’émission de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance d’une société du groupe :

L’ordonnance du 31 juillet 2014 transpose les nouvelles règles de compétence en matière d’émission de valeurs mobilières complexes aux émissions intragroupes, à savoir aux émissions de valeurs mobilières par une société mère donnant accès à des titres de capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance de sa filiale, et inversement. Il est précisé que le pourcentage de détention de capital entre les deux sociétés est d’au moins 50%.

Dans cette configuration, le critère de l’effet dilutif demeure le critère de référence. En effet, il semble qu’il ressorte des nouvelles dispositions du Code de commerce que la réunion de l’assemblée générale extraordinaire de la société, mère ou fille, émettrice du titre primaire est toujours requise dès lors que l’émission a un quelconque effet dilutif, soit pour elle, soit pour la société, fille ou mère, émettrice du titre secondaire. En revanche, l’assemblée générale extraordinaire de la société émettrice du titre secondaire n’est nécessaire que si l’émission a un effet dilutif pour ses propres actionnaires.

Par voie de conséquence, naturellement, les assemblées générales extraordinaires des deux sociétés, celle émettrice du titre primaire et celle émettrice du titre secondaire, sont compétentes dès lors que l’émission a un effet dilutif au sein de ces deux sociétés.

Enfin, les émissions de valeurs mobilières dénuées de tout effet dilutif relèvent de la compétence des organes de direction, s’il s’agit de titres participatifs ou d’obligations, ou de l’organe déterminé par les statuts ou par le contrat d’émission, s’il s’agit d’autres valeurs mobilières représentatives d’un droit de créance.

L’émission de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance d’une société tierce :

Les émissions de valeurs mobilières complexes hors groupe de sociétés, c’est-à-dire en dehors de toute détention capitalistique majoritaire, ne peuvent que donner accès à des titres de capital existants ou donner droit à l’attribution de titres de créance.

Dans cette situation, la compétence de l’assemblée générale extraordinaire de la société émettrice des valeurs mobilières complexes n’est requise que si le titre primaire est un titre de capital. Le critère de l’effet dilutif est donc encore présent.

L’Impact sur le droit préférentiel de souscription (DPS) des actionnaires à l’occasion de l’émission de valeurs mobilières complexes :

Il doit être rappelé que seule se pose la question du DPS des actionnaires à l’occasion de l’émission des valeurs mobilières complexes puisque l’article L. 225-132, alinéa 6, du Code de commerce dispose que la décision d’émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital «emporte renonciation des actionnaires à leur droit préférentiel de souscription aux titres de capital auxquels les valeurs mobilières émises donnent droit». L’ordonnance a dû adapter le régime du DPS béné¬ficiant aux actionnaires à l’occasion de l’émission de valeurs mobilières complexes. Désormais, un tel droit n’est plus automatique. En effet, un DPS n’est octroyé aux actionnaires de la société émettrice qu’en cas d’émission de valeurs mobilières ayant un effet dilutif.

Transposé aux émissions de valeurs mobilières complexes intragroupes, ce principe signifie que seuls bénéficient d’un DPS, les actionnaires de la société appelée à émettre de nouveaux titres de capital, à savoir les actionnaires de la société supportant un effet dilutif. Par exemple, si une société mère décide une émission d’OCA, à émettre par sa filiale, seuls les actionnaires de cette dernière bénéficieront d’un droit préférentiel à la souscription des valeurs mobilières.

L’impact sur le régime de protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital :

L’ordonnance clarifie la législation relative à la protection des droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital. La principale avancée en ce domaine est le renforcement, par la voie conventionnelle, de la protection dont bénéfi-cient les porteurs de telles valeurs mobilières. En effet, a été inséré à l’article L. 228-99 du Code de commerce, un nouvel alinéa aux termes duquel : «Le contrat d’émission peut prévoir des mesures de protection supplémentaires destinées à tous porteurs de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital.»

 

Auteur

Alexandre Delhaye, avocat en matière de fusions-acquisitions et de restructurations, notamment dans le secteur de l’immobilier, commercial et de l’hôtellerie.

 

Article paru dans le magazine Option Droit & Affaires le 24 septembre 2014