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Plus-values mobilières : l’administration se prononce enfin !

Plus-values mobilières : l’administration se prononce enfin !

Les actionnaires qui ont cédé des titres hors du PEA en 2013 ont rempli leur déclaration de revenus en constatant que la simplicité n’était pas au rendez-vous. Voici quelques premières explications au vu des commentaires administratifs.

Les lois de finances pour 2013 et pour 2014 ont réformé l’imposition des plus et moins-values sur valeurs mobilières et droits sociaux dégagées depuis le 1er janvier 2013.

L’administration a mis en ligne de nouveaux formulaires pour la dernière déclaration de revenus, mais ses commentaires étaient très attendus. Leur livraison tardive, le 14 octobre au soir, s’explique sans doute par l’importance de la refonte du BOFIP : plusieurs centaines de pages ont été créées ou modifiées.

L’imposition au barème de l’impôt sur le revenu et les exceptions à ce principe

L’administration rappelle que le principe est désormais l’imposition des plus-values mobilières au barème de l’impôt sur le revenu (taux entre 0% et 45% selon les tranches), après application d’un abattement pour durée de détention réservé aux :

  • titres d’entreprises (actions et parts sociales) détenus en pleine propriété, en usufruit ou en nue-propriété, à condition d’être cédés dans un cadre privé (une taxation spécifique vise les titres cédés dans le cadre d’une entreprise),
  • «titres participatifs»,
  • titres de sociétés ou groupements (OPCVM notamment) dont l’actif est constitué des titres précités (en principe, un quota d’investissement égal à 75% doit pouvoir être justifié sur demande de l’administration, «par tout moyen»).

Des précisions sont apportées au sujet des titres relevant des plus et moins-values mobilières : les valeurs mobilières, droits sociaux et titres participatifs sont désormais définis et listés. La doctrine a également été mise à jour pour tenir compte du nouveau cadre juridique de la gestion d’actifs et, par exemple, de la possibilité pour certains OPCVM ou placements collectifs de distribuer des plus-values imposables aux porteurs de parts ou actionnaires.

L’administration rappelle qu’aucune imposition n’est constatée en cas d’échange bénéficiant du sursis prévu à l’article 150-0 B du CGI, ni en cas de cession dans le cadre du PEA ou du PEA-PME, ni dans d’autres hypothèses (cession ou rachat de parts de FCPR ou d’actions de SCR par exemple), puis elle vise de nouvelles exceptions. Elle mentionne :

  • le mécanisme de report en cas d’apport à une société contrôlée relevant de l’article 150-0 B ter du CGI (les commentaires administratifs de ce dispositif restent très attendus),
  • la première cession de l’usufruit temporaire : imposition dans la même catégorie de revenus que le revenu procuré par le bien sur lequel porte l’usufruit, depuis le 14 novembre 2012 (étant précisé que l’on attend également encore les commentaires spécifiques de l’article 13. 5 du CGI par l’administration),
  • le rachat par la société émettrice de ses propres titres : l’administration précise les effets de la récente décision du Conseil constitutionnel lorsque les rachats sont effectués en vue d’une attribution aux salariés ou dans le cadre d’un plan de rachat : le régime des plus-values restera applicable aux rachats intervenus avant le 1er janvier 2015, puis laissera place au régime de taxation hybride (constatation principalement d’une distribution plus, le cas échéant, d’une plus ou moins-value). Le régime de taxation hybride, prévu à l’origine pour les rachats dans le cadre d’une réduction du capital non motivée par des pertes, serait donc généralisé pour tous les rachats à compter du 1er janvier 2015 (sauf si le législateur en dispose autrement). Mais l’administration omet de rappeler que la décision du Conseil constitutionnel permet de demander l’application du traitement comme plus-value pour les rachats-annulation intervenus avant 2015 (sous réserve de la prescription et de l’intervention éventuelle du législateur pour régler le cas des rachats 2014).

L’application de l’abattement pour durée de détention aux moins-values

La loi prévoit que l’abattement s’applique au «gains nets». Comme on pouvait s’y attendre, l’administration précise que ces termes désignent «indifféremment les plus-values et les moins-values de cession». Elle a refondu ses commentaires pour expliquer à plusieurs reprises que les plus et les moins-values ont la même nature et doivent suivre le même traitement.
Elle admet toutefois des entorses à ce principe : l’abattement ne s’applique ni aux moins-values constatées à la suite d’une procédure collective ni à celles constatées par le dirigeant de PME qui cède ses titres à l’occasion du départ à la retraite.

Dans ces colonnes (article du 21 avril 2014), nous avions expliqué que cette position complique largement la gestion pour les actionnaires, qui doivent en particulier s’efforcer de céder leurs titres en moins-value le plus rapidement possible, donc avant deux ans de détention s’ils veulent éviter l’application de l’abattement (donc se ménager la pleine imputation de leurs moins-values sur leurs plus-values de l’année ou des dix suivantes).

Bien entendu, les actionnaires peuvent être en désaccord avec la position de l’administration, et la contester au moyen d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat. On rappelle qu’il existe des arguments : la notion de « gain net » n’est pas clairement définie dans la loi et l’analyse des travaux préparatoires des lois de finances pour 2013 et 2014 montre que le législateur a eu conscience d’adopter un dispositif d’abattement favorable pour les plus-values de cession de titres d’entreprises, mais n’a pas expressément prévu son application aux moins-values.

Le sort surprenant des plus-values anciennes et qui sont dégagées seulement depuis 2013

Le législateur, pour compenser la lourdeur du nouveau traitement fiscal (imposition au barème plutôt qu’au taux forfaitaire de 19%) a prévu que les gains de cession d’actions ou parts sociales sont déterminés après application d’un nouvel abattement pour durée de détention qui en modère le coût.

Cette belle logique se grippe lorsque les plus-values ont été cristallisées lorsque l’abattement pour durée de détention n’existait pas encore et sont dégagées à partir de 2013. C’est le cas des plus-values d’échange ou d’apport mises en report avant le 1er janvier 2000 ou entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2012 : l’administration vient d’indiquer que lorsque ces plus-values sont dégagées, l’imposition doit être prise au taux plein sans application de l’abattement puisque l’assiette a été figée (c’est le cas au moment de la mise en report, mais pas dans le cadre du mécanisme du sursis). Cette position très défavorable incitera les actionnaires à ne pas mettre fin à la mise en report d’une plus-value, à moins qu’ils aient suffisamment de moins-values en report pour l’absorber. L’administration admet en effet expressément cette imputation.

Modalités déclaratives

Pour remplir sa déclaration, le contribuable qui a des plus ou moins-values mobilières à déclarer pourra rarement se contenter de la déclaration standard. Il pourra l’envisager s’il n’a réalisé que des cessions ordinaires pour lesquelles l’établissement financier a procédé au calcul des plus et moins-values et du nouvel abattement pour durée de détention. Mais l’administration exige qu’une déclaration 2074 soit en outre souscrite si l’abattement majoré a vocation à s’appliquer puisque, indique-t-elle, l’intermédiaire n’a pas connaissance des informations permettant de vérifier si les conditions d’application de cet abattement sont remplies.

La déclaration 2074 doit également être souscrite si les contribuables ont clôturé leur PEA dans les 5 ans de son ouverture, ou ont réalisé une opération permettant de placer une plus-value en report d’imposition ou une opération affectant une plus-value en report d’imposition existante. L’article 150-0 B ter du CGI permet aux actionnaires qui apportent leurs titres à une société qu’ils contrôlent de mettre leur plus-value d’apport en report d’imposition : ils doivent remplir une déclaration 2074-I en plus de la déclaration 2074 l’année de la mise en report et l’année de la fin du report. Chaque année jusqu’à l’expiration du report, ils doivent mentionner case 8 UT de leur déclaration de revenus l’ensemble des plus-values en report d’imposition.
Il convient de rappeler que les contribuables ont aussi à leur disposition les fiches 2041-SP (s’ils disposent de moins-values en report à imputer) et 2074-ABT (si l’abattement n’a pas été calculé correctement par l’établissement financier) et la déclaration 2042 C (complémentaire) qui permet de déclarer certains cas particuliers, mais l’administration n’indique pas qu’il est alors optionnel de remplir la déclaration 2074.

Rappelons enfin que les contribuables doivent conserver les éléments justifiant leur prix d’acquisition (notamment les frais bancaires de courtage indiqués sur les avis d’opéré) pour déterminer le calcul de la plus ou moins-value, et justifiant la durée et le caractère continu de la détention pour les besoins de l’abattement. Ces preuves doivent être conservées sur une longue période : aussi longtemps que la plus ou moins-value n’est pas réalisée, plus la durée de prescription. L’administration apporte des précisions sur la durée de détention en cas de démembrement et indique par exemple que lorsque l’actionnaire a obtenu la pleine propriété par réunion du droit d’usufruit et du droit de nue-propriété, c’est à partir de l’acquisition du premier de ces droits que la détention court et doit donc se justifier.

La pérennité de la réforme

Ni le BOFiP ni le projet de loi de finances pour 2015 ne contiennent de mesures pour revenir en arrière sur les effets les plus pervers de la réforme. Mais les discussions dans le cadre de la commission d’enquête sur l’exil des forces vives de France et le rapport mis en ligne le 15 octobre laissent penser que le débat n’est pas définitivement clos. Le rapport acte en effet une contre-proposition des députés de l’opposition qui mérite d’être soulignée :

« Pour encourager l’investissement productif en France, nous proposons de mettre en place une fiscalité sur les plus-values qui tienne compte des risques encourus par les investisseurs et de la différence de nature entre une plus-value et un revenu. En clair, nous devons revenir au prélèvement forfaitaire libératoire, dans le cadre d’une convergence européenne de la fiscalité sur le capital. »

Auteur

Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale.

 

Article paru dans le magazine Option Finance le 27 octobre 2014