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Vote par correspondance : des assouplissements inattendus

Vote par correspondance : des assouplissements inattendus

En matière de vote par correspondance, la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 30 janvier 2019, qu’il n’y a pas d’obligation de mettre en place une boîte postale dédiée pour réceptionner les enveloppes contenant les bulletins de vote et d’assurer la conservation et l’acheminement des enveloppes par les membres du bureau de vote.

Construction jurisprudentielle

En matière d’élections professionnelles, le Code du Travail organise d’une part le vote physique, d’autre part le vote électronique. La jurisprudence admet en outre le recours au vote par correspondance. Après l’avoir initialement subordonné à l’existence de circonstances exceptionnelles, la Cour de cassation a élargi les possibilités de recours à cette modalité de vote.

Elle autorise en effet, depuis un arrêt du 13 février 2013, le recours au vote par correspondance dès lors qu’il est expressément prévu par le protocole préélectoral conclu à la double majorité, sans qu’il soit besoin de justifier des circonstances exceptionnelles.

Nécessité de garantir les principes généraux du droit électoral

Si le protocole d’accord préélectoral peut valablement prévoir le recours au vote par correspondance sans avoir à justifier de circonstances exceptionnelles, ses dispositions doivent toutefois se conformer aux principes généraux du droit électoral.

En particulier, le mode d’acheminement des votes, tel que prévu par le protocole préélectoral, doit assurer le secret du vote, la sincérité et la sécurité du scrutin.

La Cour de cassation faisait jusqu’à présent une application stricte de ces principes. Elle a ainsi jugé que la mise en place d’une boîte postale dédiée à la réception des enveloppes s’imposait, cette boîte devant être ouverte par un représentant de la direction en présence d’un ou plusieurs membres du bureau de vote (Cass. soc. 20 novembre 1985).

En revanche, la remise de bulletins au siège de la société par le courrier interne n’était pas admise faute de garantir la sincérité du scrutin (Cass. soc. 21 mai 2003).

Pourtant, dans un arrêt du 30 janvier 2019, la Cour de cassation assouplit considérablement ses exigences en matière de vote par correspondance.

Modalités d’acheminement des votes et absence de boîte postale

Dans cette affaire, un syndicat – signataire du protocole électoral – et un salarié avaient agi en nullité des élections professionnelles, au motif notamment que les dispositions du protocole d’accord préélectoral prévoyant le recours au vote par correspondance désignaient une secrétaire de direction, non membre du bureau de vote, pour l’acheminement des bulletins et leur conservation. Cette personne était ensuite chargée de remettre ces bulletins au président du bureau de vote concerné le jour du scrutin. Aucune boîte postale n’était donc réservée pour les élections.

Le syndicat faisait valoir que dans ces circonstances, plusieurs personnes pouvaient manipuler les enveloppes et que rien ne les empêchait d’en écarter certaines et mêmes de les remplacer par d’autres.

L’argument pouvait sembler pertinent, dans la mesure où cette absence de précaution aurait pu entraîner des irrégularités dans le déroulement du vote et avoir une influence sur l’issue du scrutin.

Une décision inattendue

Pour autant, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le syndicat en estimant que « ni la désignation dans le protocole d’accord préélectoral de personnes autres que les membres du bureau de vote pour acheminer les élections et conserver les bulletins de vote, ni l’absence de boîte postale réservée pour les élections, ne constituent en soi des violations des principes généraux du droit électoral ».

La Cour s’en remet ensuite à l’appréciation souveraine des juges du fond en retenant que « c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que le tribunal a constaté que le scrutin s’était régulièrement déroulé conformément aux modalités prévues au protocole d’accord préélectoral et estimé que l’employeur avait imparti un délai suffisant aux électeurs pour envoyer leurs bulletins de vote ».

La portée de cette décision est double.

D’une part, elle constitue incontestablement un assouplissement dans l’appréciation des principes généraux du droit électoral. Cette évolution est assez étonnante au regard de la jurisprudence particulièrement rigoureuse adoptée par la Cour de cassation depuis plusieurs années (en dernier lieu, dans un arrêt du 3 octobre 2018 interdisant le vote par procuration au nom du principe de confidentialité du vote). La prudence commanderait donc d’attendre les prochaines décisions de la Cour qui confirmeront ou non cette évolution.

D’autre part, la Cour renforce la puissance normative du protocole d’accord préélectoral conclu à la double majorité pour la mise en place du vote par correspondance. L’élection, qui s’est déroulée conformément aux dispositions du protocole d’accord préélectoral signé par le syndicat requérant, se trouve ainsi validée.

Précisons que cette décision rendue ici en matière d’élection de la délégation unique du personnel est transposable au Comité social et économique.

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Auteurs

Ludovique Clavreul, avocat, droit social

Adélaïde Sayn, avocat, droit social

 

 

Vote par correspondance : des assouplissements inattendus – Article paru dans Les Echos Exécutives le 15 avril 2019

 

En savoir plus 

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